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Joueuse hors pair, Ava Eugene s’apprête à rejoindre le plus haut niveau de compétition du jeu vidéo e-sportif « Valorant ». Ce qui provoque la colère de nombreux fans de jeux vidéo compétitifs, lesquels multiplient les invectives transphobes.
A seulement 18 ans, Ava « florescent » Eugene est déjà l’une de ces figures qui ont marqué l’e-sport de leur empreinte. Joueuse professionnelle de Valorant, la Canado-Vietnamienne a remporté avec son équipe le championnat Game Changers, sorte de coupe du monde féminine et inclusive, qui s’est achevé dimanche 17 novembre.
Un titre qu’elle avait déjà décroché en 2023 et que ses coéquipières de Shopify Rebellion lui doivent assurément, tant sa prestation a, à chaque fois, surpassé toutes les autres. Si bien que, jeudi 5 décembre, l’écurie e-sportive norvégienne Apeks, qui évolue quant à elle sur le circuit majeur de Valorant, le Champions Tour EMEA, a officiellement intégré la cyberathlète à son équipe.
Avec ce transfert, « florescent » (qui n’a pas donné suite aux sollicitations du Monde) devient la toute première femme à rejoindre le plus haut niveau de la compétition sur Valorant. De là à y voir une avancée à célébrer, dans un secteur qui peine encore à se féminiser malgré des circuits principaux ouverts aussi bien aux joueurs qu’aux joueuses, du moins sur le papier ? Pas pour tout le monde. Car au concert des félicitations se joignent d’innombrables commentaires transphobes, symptômes violents d’une discrimination de longue date dans l’e-sport, qui ne prend pas seulement pour cible la femme transgenre qu’est Ava Eugene.
Une discrimination protéiforme
« Lilith », professionnelle française de League of Legends (LoL), subit, elle aussi, cette transphobie. Au lendemain du triomphe de « florescent », la jeune femme de 27 ans a ainsi reçu de nombreux messages remettant en cause son identité de genre et clamant que « les trans [prenaient] la place des femmes dans l’e-sport ». « Dès qu’il y a une mise en visibilité d’une personne trans sur la scène e-sportive s’ensuit directement une vague de harcèlement », déplore auprès du Monde la joueuse, de son vrai nom Luna Benzerara-Arnoux.
Cette discrimination, elle la décrit comme protéiforme, au gré de ses passages dans des clubs français, comme Team Vitality ou GamersOrigin. « Ça a pris la forme de messages et de commentaires sur Twitter, de réflexions en jeu, de harcèlement sur Discord…, tout ça parce que je suis trans, énumère celle qui a joué dans des formations féminines, mais également mixtes. Des gens m’ont aussi menacée physiquement et d’autres m’ont “doxée” [c’est-à-dire ont divulgué des informations privées sur elle, comme son adresse]. »
A chaque fois, les raisons et les auteurs (des fans, mais aussi des professionnels de l’e-sport) sont les mêmes. On accuse les joueuses transgenres – les hommes trans sont moins nombreux et visibles dans le jeu vidéo compétitif – d’être avantagées par de prétendus avantages biologiques liés à leur sexe de naissance lorsqu’elles concourent avec d’autres femmes ; on les juge pour autant illégitimes à concourir avec des hommes, car elles n’en seraient pas tout à fait ; et, bien sûr, on commente constamment leur apparence.
« Traitée comme un être abject »
Dans un article scientifique intitulé « The Abject Scapegoat : Boundary Erosion and Maintenance in “League of Legends” » [« L’abject bouc émissaire : érosion et maintien des frontières dans League of Legends »], la chercheuse Elyse Janish détaillait, en 2018, certains éléments constitutifs de cette discrimination, en se penchant sur le cas de Maria Creveling, alias « Remilia ». Au mitan des années 2010, cette jeune Américaine transgenre a été la première joueuse de LoL à rejoindre le circuit compétitif majeur en Amérique du Nord et est devenue, dans le même temps, une cible privilégiée pour des fans d’e-sport ouvertement antitrans.
« Dans les commentaires sous les vidéos et les articles la concernant, les gens indiquaient clairement qu’ils trouvaient Remilia inintelligible, monstrueuse, décrit la chercheuse. (…) Son identité de genre est devenue le cœur de son altérité ; son entre-deux la rendait trop masculine pour être traitée comme une femme dans le gaming, mais trop féminine pour être traitée comme un homme. Elle a donc été traitée comme un être abject. » Elle est alors perçue comme « une menace » à exclure afin de préserver l’équilibre d’un milieu e-sportif « gangrené par une masculinité toxique qui s’efforce d’étouffer les revendications queer et féministes ».
En décembre 2019, « Remilia » est retrouvée morte à son domicile. « Tout le monde suppose que c’était un suicide », relate aujourd’hui Luna Benzerara-Arnoux, qui veut alerter sur l’impact psychologique que les attaques transphobes font peser sur ces e-sportives qui les vivent au quotidien. Dans une publication sur X, « Lilith » disait encore récemment « comprendre Remilia ». « Si on tire sur la corde, ça devient dur à vivre », regrette-t-elle, avant de reprendre : « Je ne vais pas m’empêcher d’exister parce que je suis trans. »
Faire bouger les lignes
Pour faire front, « Lilith » compte sur le contrepoids que sont les encouragements des joueuses professionnelles qui l’entourent et de certains fans d’e-sport. « J’espère qu’elle sera soutenue au quotidien et qu’elle aura la possibilité d’avoir différents exutoires », dit-elle au sujet de l’arrivée imminente de « florescent » dans un écosystème exclusivement masculin. Ces derniers jours, la jeune femme de 18 ans, qui a déjà, par le passé, eu maille à partir avec des détracteurs transphobes, a d’ailleurs été largement défendue sur les réseaux sociaux.
Julia alias « LittleBigSpy », une streameuse amatrice de 25 ans, fait partie de ces fans bien déterminés à épauler la cyberathlète prodige dans cette nouvelle étape de sa carrière. Bien qu’elle aussi s’inquiète pour « florescent » – « elle aura beaucoup plus de visibilité, (…) elle est très jeune et je sens que cette transphobie peut l’impacter » –, la Française, elle-même victime d’invectives antitrans sur Internet, considère que son modèle de réussite pourrait donner confiance à d’autres femmes.
« Lilith » aussi en est persuadée : la visibilité offerte aux joueuses concernées par les tournois les plus regardés est l’une des clés pour endiguer cette transphobie. « “Remilia” a ouvert la voie à beaucoup de femmes trans. Je pense qu’une personne comme “florescent” qui arrive sur cette scène fera forcément avancer les choses. » Peu importe les critiques haineuses, « il faut que ça se fasse, tranche-t-elle. Il faut une première à tout. »
l’e-sport est un boys club très fermé. Rien de nouveau jusque là, mais on continue d’espérer que ca va changer un jour. 😇
faut tout cramer et repartir sur des bases saines.faut tout cramer et repartir sur des bases saines.
Je le dis sur tous les sports…
Son identité de genre est devenue le cœur de son altérité ; son entre-deux la rendait trop masculine pour être traitée comme une femme
dans le gaming, mais trop féminine pour être traitée comme un homme. Elle a donc été traitée comme un être abject. » Elle est alors perçue comme « une menace » à exclure afin de préserver l’équilibred’un milieu e-sportifd’une societe « gangrené par une masculinité toxique qui s’efforce d’étouffer les revendications queer et féministes ».Fixed,
Assez heureuse que dans la majorité de l’article on ne les apelle pas des femmes trans mais juste des fenmes. Je ne m’y attendais pas